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JAZZ : INTERVIEW DU PERCUSSIONNISTE XAVIER DESANDRE-NAVARRE

TLC : Comment est née votre passion pour les percussions ?

Xavier Desandre-Navarre : Quand j’étais petit je tapais partout, les tables, les chaises, vraiment partout. Et par l’intermédiaire d’une association qui proposait des cours de percussions, de guitare, et plein d’autres disciplines qui n’étaient pas encore enseignées au conservatoire, j’ai rencontré un maître percussionniste brésilien du Candomblé, qui connaissait tous les rythmes afro-brésiliens et également les rythmes plus latins des écoles de Samba. Je suis donc arrivé assez facilement là-dedans et j’avais certaines facilités pour apprendre. Ce n’était pas un prof, c’était un gars venu faire des études en France et qui avait ce savoir faire. J’étais très intéressé par ce qu’il m’apprenait. Ensuite j’ai eu très envie de jouer de la batterie, donc j’ai commencé à apprendre la batterie. Selon les groupes avec lesquels je jouais, je choisissais la batterie ou les percus. A l’époque je devais avoir 16 ans,  je jouais avec des groupes amateurs. Jusqu’à 22 ans, je jouais à la fois des percus et de la batterie, je n’avais pas d’instrument de prédilection, ça dépendait des répertoires. Puis j’ai rencontré le pianiste Laurent Cugny, qui m’a convié pour faire une tournée avec Gil Evans en 1987 en tant que percussionniste, j’ai donc débarqué à Paris en tant que percussionniste et, depuis, cette étiquette est restée. J’aime toujours jouer de la batterie, et ce que je fais aujourd’hui, c’est que j’inclus des éléments de percussion à la batterie. C’est assez rare que je joue un set de batterie pur, il y a toujours deux ou trois percus rajoutées, qui dépendent de la musique que je vais jouer. Selon mon goût je rajoute tel ou tel élément.

Quelles sont les musiques qui ont marqué votre style de jeu ?

La musique brésilienne. C’est par là que je suis entré dans la musique et ça a été quelque chose de très fort pour moi. Je trouve que la culture brésilienne est extrêmement intéressante dans le sens où elle absorbe beaucoup d’influences qu’elle retraduit à sa façon. En même temps, il y a ce mélange de cultures au sein même de la tradition brésilienne qui est énorme, avec à la fois l’influence africaine, européenne, amérindienne. Tout ça fait un espèce de mélange avec un ancrage fort dans la terre et la tête dans les étoiles. Et cette façon de voir les choses me plaît beaucoup. Les brésiliens ont ce côté un peu caméléon, ils arrivent à être influencés par plein de choses et ressortent tout ça à leur propre sauce. Avec du groove et de la bonne humeur ! (rires)

C’est aussi l’esprit du jazz.

Complètement. Les musiques que j’aime le plus jouer sur scène sont évidemment des musiques où l’on communique, des musiques où il y a une part d’improvisation et d’interaction entre les musiciens. Pour moi c’est vraiment important. L’interaction c’est ce qui compte.

Vous avez des projets en cours ?

Oui j’ai un projet de concert en solo, qui aura lieu le 14 juillet à Bezouce dans le Gard. Parallèlement à ça, j’ai un projet de duo avec un ami percussionniste indien qui s’appelle Prabhu Edouard, on va mélanger nos deux points de vue. Il est indien mais a grandi en France et par la suite il a décidé de retourner à ses sources indiennes et d’apprendre les tablas avec des grands maîtres en Inde. Il a aujourd’hui un niveau extraordinaire et est reconnu comme un des maîtres des tablas. On va se concocter quelques chose ensemble qui va être une sorte de rencontre entre les rythmes et les musicalités indiennes et ce que j’aurai à proposer de mon côté.

Quelles percussions vous jouerez ?

Prabhu jouera trois ou quatre tablas, qui sont des instruments accordés, de façon à travailler sur plusieurs tonalités et sur les mélodies. Dans ces projets de solo et de duo, l’idée c’est le groove évidemment, mais aussi mettre en avant les couleurs des percussions et la mélodie qu’on peut en tirer, sans forcément aller vers les claviers percussions type marimba ou xylo. Même les percussions traditionnelles sont d’une certaine façon mélodiques.

Lors du concert de Jacky Terrasson le 28 mai, vous avez réalisé une performance en tapant sur vos joues et vos lèvres, c’est quelque chose que vous travaillez souvent ?

Ca fait un bout de temps que je suis intéressé par ça et que je le travaille tranquillement, je cherche un peu, je trouve des nouveaux sons. Et en même temps il y a un côté premier que j’aime beaucoup, on se promène avec son instrument en se tapant sur la bouche, les joues, ou ailleurs, y a plein de trucs terribles à faire avec les percussions corporelles et vocales, c’est infini. Et on peut se promener avec sans problème !(rires

Vous composez également des musiques de film ?

Oui j’ai composé pour le film Léon de Luc Besson. J’ai un outil à la maison qui me permet de produire des choses pour du film, et de faire des préproductions pour des disques. Je reçois des fichiers sons du Brésil, du Danemark ou de Suède, je bosse dessus et je les renvoie. Il y a beaucoup d’enregistrements comme ça, chaque musicien enregistre dans un studio différent, les overdubs sont assez courants.

Y a-t-il des rencontres qui ont marqué votre parcours ?

Quand je suis arrivé à Paris, il y a eu ces rencontres avec des grands orchestres de Jazz et avec des solistes d’un super niveau, qui avaient un discours vraiment intéressant, des gens comme Michel Portal ou Yves Robert, on a eu des expériences géniales. Et puis ce qui m’a beaucoup intéressé, c’est une connexion que j’ai réussi à ouvrir grâce à un ami pianiste qui s’appelle Nils Lan Doky, qui est danois, et qui m’a ouvert vers la Scandinavie et les musiciens nordiques. J’ai découvert des musiciens géniaux, et depuis une vingtaine d’années je passe pas mal de temps sur ces projets et je fais beaucoup de choses avec des musiciens scandinaves.

Dans quelles différentes formations jouez-vous avec ces musiciens nordiques ?

Je joue dans une première formation avec le contrebassiste Lars Danielsson et des pianistes qui varient, Leszek Mozdzer, Jakob Carlsson, Bugge Wesseltoft, Yaron Herman ou encore Bobo Stenson. J’ai fait pas mal de choses avec le pianiste Niels Lan Doky, on a eu un quartet avec Paul Wertico le batteur de Pat Metheny. On a pu mener des projets divers et variés, avec l’Orchestre Symphonique de Copenhague, avec Randy Brecker, David Sanborn, avec un orchestre traditionnel chinois.

Pensez-vous que chaque rencontre est déterminante dans la vie d’un artiste ?

En ce qui me concerne, toutes les rencontres n’ont pas été déterminantes mais à chaque fois j’ai appris des choses. Que ce soit avec des musiciens brésiliens, cubains, africains, classiques, ou d’un jazz très moderne. A partir du moment où la musique est faite avec le coeur, je pense que quelque chose se passe, il y a une connivence qui s’établit, quelque chose de vrai. Et comme toutes ces musiques auxquelles j’ai participé sont, la plupart du temps, des musiques où l’on demande au coeur de s’ouvrir, de s’exprimer, et d’aller vers l’autre, et bien tout cela est bénéfique. Non seulement d’un point de vue musical mais aussi au-delà de la musique. En fait avec la musique j’ai eu la chance de vivre plein de trucs de terribles, que ça dure ! (rires)

Selon vous, y a-t-il une tradition de percussions en France ?

Je pense qu’il n’y a pas de tradition forte de percussions en France, on est obligé d’aller la chercher dans les pays étrangers de tradition percussive, l’Inde, le Brésil, la Caraïbe, l’Afrique évidemment. Je n’ai jamais eu envie de jouer la musique brésilienne comme un brésilien pourrait la jouer, parce que je pense que culturellement il y a quelque chose de beaucoup plus fort et profond chez eux par rapport à leur propre tradition, mais en revanche utiliser tous ces rythmes là, que je connais en grande partie, et les amener vers d’autres musiques comme le jazz, le rock, le funk ou la pop, ça m’intéresse énormément et j’ai un certain savoir-faire avec ça. Et par exemple avec les musiciens scandinaves, quand j’arrive avec des idées de groove pour certaines de leurs compositions qui sont typiquement nordiques, ça donne des trucs assez marrants !

Neil Saidi

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